Être au monde « en poésie », est un défi, une utopie, une aberration ou un non sens, selon notre point de vue. Comment vivre en ce monde en poésie, en beauté, en joie et en paix?
Cela semble tellement décalé par rapport au constat du monde. Et pourtant, avons nous un autre choix, d’autres possibles ? C’est ce choix qui -à défaut de sauver le monde- nous permet de vivre heureux. Et n’est ce pas le souhait le plus profond de chaque être, celui d’être heureux, simplement ? Un bonheur profond et léger, un état de notre conscience, de notre présence, relié à la présence du Vivant. Et si je suis heureux, mes proches, les plantes de la maison, mon environnement en profite également … Le bonheur n’a pas de frontière et peut se répandre très près, très loin, à travers les espaces et les temps.
Être en poésie c’est se décaler par rapport aux chimères de notre mental, des émotions mutliples et aux projections que nous propose le monde, cette superstructure dévastatrice imposée au formes de vie par l’humain. L’état poétique nous permet de percevoir la vie en son état naturel car il n’y a aucun problème sur terre, comme l’écrit Barry Long dans le prologue de son livre « Seule meurt la peur ». Citons le : « Aux gens de la terre – Il n’y a aucun problème sur terre – La terre est belle joyeuse, cosmique, éternelle – Le monde est la superstructure malheureuse que l’homme a imposée à la terre – Le monde est constitué des problèmes de l’homme. «
Il développe ainsi, rejoignant ainsi les enseignements de nombreuses traditions et le bon sens. « La terre ainsi que le monde, sont en vous. Ce que vous voyez à l’extérieur et la façon dont vous en êtes affecté, est purement le reflet de ce qui est à l’intérieur de vous. Si vous percevez et ressentez de la beauté dans votre vie, vous êtes en contact avec la terre et la vie qui est en vous. Si, dans votre vie, vous voyez des problèmes et vous sentez malheureux, vous êtes en train de regarder le monde (…) Vous avez délaissé la terre pour vous tourner vers le monde »
Notre malheur serait dû à notre incapacité à rester solidement et souplement en connexion avec la vie en soi, en nous laissant détourner par les souffrances et malheurs du monde et dont on croit qu’ils nous constituent. Nous sommes attachés au monde que nous avons créé, et – toujours en suivant la référence posée par Barry Long- ses souffrances, croyant et ayant l’intime conviction qu’elle nous constitue. Pourtant un examen attentif nous permettrait de constater que ce monde n’a aucune existence réelle. Il ne tient pas par lui même, il ne tient que par l’importance qu’on lui donne.
Nous reliant à la terre, nous pouvons changer notre point de vue : regardant « la même chose », cette même chose se transforme dans notre regard. Et nous pouvons être touché alors par une parole, une note de musique, une présence humaine ou animale, ou par l’inexpliqué. Nous reliant fortement à la terre, à la vie, au Vivant dont nous sommes une particule, nous pouvons alors vivre peu à peu ou dans l’instant, intensément. Nous sommes une particule totalement reliée à toutes les formes de Vie. Tout est – ou semble, selon le regard posé – absolument vivant et totalement relié aux autres formes du vivant. En beauté, en un état poétique et développer cet état centré et rayonnant. Centré … sans centre… car le Centre est « probablement » partout. Rayonnant car c’est la Nature de l’Esprit d’être rayonnant et lumineux.
Dans les traditions animistes, tout est esprit, et inspiré, nourri par l’Esprit, source de toute manifestation, qui peut être transmis par la poétesse, le shaman, le danseur, le musicien… Reliés aux manifestations naturelles de la Vie, les arbres et la forêt, l’Eau et le Feu, la Terre et l’Air, les plantes, les rivières et les animaux, les montagnes les humains vivent non séparés de Ses manifestations.
Cultiver un état d’esprit poétique c’est être ouvert à Ses manifestations, sans les teinter de jugement ou d’analyse, simplement les vivre, totalement poreux entre « l’intérieur et l’extérieur » sans frontière, sans délimitation.
Les goûter en l’instant et ainsi en respirer les effluves et parfums, senteurs et saveurs. Cela suppose d’être plutôt en creux, en concavité comme aime à le dire Luis Ansa. Etant ouvert, en écoute simple et naturel, le chant du monde peut nous parvenir et nous guérir, c’est à dire peu à peu (parfois de manière abrupte) ouvrir notre conscience à la terre ( cf Barry Long) et non plus notre chaos intérieur qui se reflète à l’extérieur sur le monde, cette superstructure créatrice de malheur, de séparation. La Nature prends soin de nous, pour peu également que nous orientions notre conscience vers Elle, en Elle, en soi. Nous pourrions dire qu’Elle est généreuse : elle est ainsi, simplement.
L’état poétique est un état d’esprit, et c’est sans aucun doute une pratique à cultiver à travers nos gestes du quotidien. Toutes nos actions peuvent être empreintes de beauté, de simple et naturel, un souffle qui vient nous cueillir et nous communiquer chaleur, espace, vitalité, puissance, allégresse, paix. L’attention au quotidien nous désolidarise de la superstructure, renforce notre vitalité. Nous pouvons bien sûr avoir des pratiques qui sont plus directement liées à notre santé globale, santé du corps, du coeur, de l’âme et de l’esprit. Elles sont bénéfiques, renforcent nos capacités d’autoguérison. Vivre en poésie est une façon d’envisager et percevoir le monde et c’est bien sûr une contribution à l’état du monde !!! Conscient ou consciente du Vivant et de la Beauté (y compris dans les intenses manifestations des Eléments), je peux alors y contribuer, faire des choix, les choix du colibri, cher à Pierre Rabhi, pour vivre en harmonie, et contribuer à restaurer l’harmonie du monde. La bise Alain D.